TPE Mag : "Remettre le bon sens au cœur de nos lois"

TPE Mag : "Remettre le bon sens au cœur de nos lois"

TPE Mag : "Remettre le bon sens au cœur de nos lois"

Députée (LR) du Maine-et-Loire, Anne-Laure Blin vient de prendre la présidence du groupe d’études « Commerce, Artisanat et Métiers d’Art » à l’Assemblée nationale. L’occasion de « se poser sur des sujets qui méritent de prendre le temps de la réflexion, de la hauteur de vue et de la perspective, hors du quotidien parlementaire et de l’actualité ». Mais quelles seront ces réflexions ? Réponses d’une passionnée de l’économie de terrain.

POURQUOI UNE PARLEMENTAIRE S’INTÉRESSE-T-ELLE AU CAS DES COMMERÇANTS ET DES ARTISANS ?

Je regrette que les TPE, les artisans, les commerçants, soient trop souvent absents des débats politiques. On pense la loi pour les plus gros et moins pour ceux qui ont une taille plus réduite, mais qui font tourner le cœur de notre économie, de manière discrète, sans faire les grands titres. Il manque une lecture politique de ce qui se passe vraiment dans les TPE, avant de légiférer et de leur faire subir de nouvelles contraintes administratives. On voit bien dans nos territoires à quel point nos entrepreneurs sont force d’innovation, de croissance, d’idées. Ils se donnent pleinement dans leur activité, avec une motivation de chaque instant. Ils représentent une richesse incommensurable.

NOUS SOMMES À L’HEURE DE LA START-UP NATION, DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, DU TOUT NUMÉRIQUE… SE CONSACRER AUX TPE/PME N’EST-IL PAS UN COMBAT D’ARRIÈRE-GARDE ?

Je ne dis pas que ces entreprises digitales ne sont pas intéressantes, bien au contraire. Mais je constate que les métiers manuels sont cruciaux et ne sont pas estimés à leur juste valeur. J’aime parler de l’intelligence de la main qui les caractérise. Tout le monde a sa place, mais il ne faut pas que certains en masquent d’autres. C’est très bien d’avoir des start-up, comme c’est très bien d’avoir des géants du CAC 40, mais nous devons aussi agir pour les entreprises qui n’ont que quelques
salariés.

QUELS SONT, SELON VOUS, LES PROBLÈMES LES PLUS URGENTS À TRAITER ?

Je suis très impliquée sur les questions de la simplification administrative. Il est nécessaire d’alléger les normes pour les TPE/PME, qui ne sont pas là pour se soucier des méandres de l’administration et qui y consacrent beaucoup trop de temps. Bien sûr, la loi est indispensable mais, aujourd’hui, les TPE/PME méritent d’avoir un peu d’air et qu’on leur fasse confiance.

Qu’on arrête de suspecter de prime abord nos artisans, commerçants, que l’administration les accompagne plutôt que de créer des surcharges et des lourdeurs, voilà qui demande un effort collectif. Qu’on mette en place des dispositifs qui libèrent les énergies ! La France est le pays des Cerfas, on ne peut rien faire sans eux. Quand on voit leur poids, leur longueur, la difficulté de les remplir pour arriver à déposer un dossier, il est certain que le système n’aide pas les plus petits qui ne disposent pas des moyens internes pour gérer tout cela. Nous avons trop tendance à tout voir à travers le prisme de la subvention. Pour résoudre un problème, on a recours à ce biais dans lequel je ne me retrouve pas.

Faire croire que l’argent magique existe est une erreur fondamentale. Les artisans et commerçants le savent bien : ce qu’on leur donne d’une main, on leur reprend de l’autre. Et aujourd’hui, ils sont étranglés et n’arrivent plus à maintenir leur activité. Parce que le poids administratif les étouffe. Quand un artisan me dit que son entreprise marche bien mais qu’il ne peut pas embaucher car il sera asphyxié par les charges, c’est désolant. Il faut juste remettre le bon sens au cœur de nos réflexions et des lois.

Je voudrais évoquer un autre aspect : la valorisation de nos entreprises et de leurs actions. Elles n’ont ni le temps, ni les moyens de se consacrer à leur communication. C’est à nous, politiques, de les mettre en avant, de montrer tout ce qu’elles apportent à l’économie et aux territoires.

VOUS ACCORDEZ UNE IMPORTANCE PARTICULIÈRE AUX MÉTIERS D’ART. POURQUOI CET ENGAGEMENT ?

Les artisans d’art sont au service du beau et de l’excellence. On méconnaît l’incroyable foisonnement de ces métiers. J’aime prendre quelques exemples, comme les ornemanistes qui embellissent et restaurent les clochers et les toits d’église ou ceux qui conçoivent les rampes, les rampistes, qui ne sont plus que deux. Ces métiers sont en danger de disparition. Le vrai défi est celui de la transmission, et je pense qu’en tant que législateurs, nous devons être particulièrement attentifs à cette question. D’autant plus que les artisans d’art sont très dispersés, ne se connaissent pas, n’ont pas la possibilité de se faire entendre. C’est n’est d’ailleurs pas leur état d’esprit. Mais nous devons les écouter, aller vers eux, les soutenir.

VOUS PARLEZ DE TRANSMISSION, MAIS LA QUESTION DE LA FORMATION N’EST-ELLE PAS TOUT AUSSI IMPORTANTE ?

Le principe d’amener toute une classe d’âge vers l’enseignement supérieur sans se soucier de la personnalité de l’élève, de l’étudiant est une erreur. L’Éducation nationale doit chercher à susciter chez les jeunes des vocations, les orienter vers les métiers où ils se sentiront le mieux plutôt que de les diriger dans un système qui ne leur permettra pas de se révéler. Je regrette que les métiers manuels ne représentent pas le plus souvent des premiers choix. Ils arrivent par défaut, après un échec, ce qui n’est jamais positif. Développer l’apprentissage, les stages, les passerelles est indispensable.

LE MADE IN FRANCE, PORTÉ PAR LES MÉTIERS D’ART, A LE VENT EN POUPE. C’EST UNE BONNE NOUVELLE ?

En effet, les Français y sont de plus en plus attachés, c’est très bien de le valoriser. Mais on doit s’en donner les moyens et là encore, on ne peut que constater que les surcharges administratives sont autant de freins à son développement. C’est important d’en parler, sans pour autant oublier que des entreprises ont besoin de la sphère internationale pour leur activité. On ne peut pas vivre en autarcie. Cela dit, je reconnais que les artisans d’art sont les premières vitrines du savoir-faire à la française. Je préfère d’ailleurs nettement cette appellation, plus juste et plus précise que le triste « made in ». Dans les métiers d’art, on retrouve de la réflexion, de l’affect, et pas seulement du « faire ».


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